NATASHA BOYD
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Chapitre Deux - Des Etoiles Dans la Mer

Six ans plus tôt

JE POUVAIS VOIR Abby à travers l’embrasure de la porte. J’avais entendu la dispute qu’elle avait eue avec Maman et Papa. Ou plutôt, quelques mots par-ci par-là.


— Ce garçon… (Mon père.)


— … sacrifices financiers. (La voix de ma mère.)


— … un véritable choc après tout ce qu’on a fait pour toi. (Ma mère, à nouveau.)


— Allez vous faire foutre. (Ma sœur.)


Ses mots avaient stoppé le mouvement répétitif de mon crayon de couleur marron, avec lequel je coloriais la queue de la petite sirène. La vraie. Ou du moins, sa statue de bronze à Copenhague, au Danemark. Un jour, je la verrais en vrai, je me l’étais juré.


À présent, mes parents étaient en bas, leurs cris suffisamment étouffés pour que les mots en soient indistincts. Discrètement, je m’étais faufilée dans le couloir de la chambre d’Abby, et à présent, je la regardais à travers l’interstice. Elle fouilla dans le tiroir de sa table de chevet avant de se diriger vers la fenêtre. Elle était mince, élancée. Ses cheveux blonds ondulés, qui lui arrivaient aux épaules, étaient ébouriffés et négligés. Son short de pyjama la faisait paraître encore plus grande. Elle aurait dix-huit ans dans quelques jours.


Elle remonta le battant de la fenêtre aussi haut que possible, et passa une de ses longues jambes par l’ouverture afin de pouvoir s’asseoir à califourchon. Puis elle coinça une cigarette tordue dans sa bouche, et tritura la petite boîte dans ses mains ; après quelques essais, elle parvint à embraser une allumette, et l’approcha de l’extrémité de la cigarette. Une profonde inspiration, une pause, puis une expiration encore plus longue, qui envoya des volutes de fumée autour d’elle ; puis, enfin, elle s’adossa à l’encadrement de la fenêtre et prit la parole.


— Entre, Livvy.


Je sursautai.


— Allez, viens, dit-elle plus doucement, en tournant la tête vers moi comme si elle savait exactement depuis combien de temps j’étais là. Je vais te raconter la vie minable, mais soi-disant parfaite, qu’on a ici, dans la famille Baines.


Sa main tenait la cigarette de l’autre côté de la fenêtre.


Je jetai un regard par-dessus mon épaule, le cœur battant, mais je pouvais toujours entendre mes parents en bas. Entrebâillant la porte, je me glissai dans la chambre de ma grande sœur, dans laquelle je n’avais que rarement mis le pied au cours de l’année précédente, et fermai la porte derrière moi. J’étais folle de joie d’avoir enfin l’autorisation de pénétrer à nouveau dans cette pièce, et j’étais en même temps terrifiée par ma sœur, qui ressemblait à une étrangère et qui était pourtant si familière.


La chambre était plus grande que ce dont je me souvenais, ou du moins, quelque chose avait changé ; mais je gardai le regard posé sur ma sœur.


Les yeux bleus d’Abby étaient fixés sur moi. Ils étaient d’une teinte légèrement plus foncée que les miens. Papa disait qu’ils avaient le bleu du côté le plus profond d’une piscine, alors que les miens ressemblaient au côté le moins profond. Avant, j’adorais cette idée, avant de réaliser que la comparaison n’était peut-être pas flatteuse.


— Tu ne te poses jamais de questions, hein, Livvy ?


Abby prit une nouvelle bouffée de sa cigarette, qu’elle tenait entre son pouce et son index, et plissa les yeux pour mieux m’observer.


Je restai silencieuse, sans savoir ce qu’elle voulait dire ; j’avais peur que mes paroles la fassent changer d’avis et qu’elle arrête à nouveau de me parler.


Elle prit la cigarette roulée à la main de sa bouche et me la tendit.


Je déglutis avec difficulté et secouai la tête. L’idée de la fumée chaude et sèche dans ma gorge ne me plaisait pas, mais ce qui m’arrêtait, surtout, c’était que je risquais probablement de m’étouffer avec. J’avais vu dans des films la réaction des gens lorsqu’ils essayaient de fumer pour la première fois, et je savais que je voulais être seule pour essayer à mon tour. Je préférais qu’Abby me regarde d’un air agacé plutôt qu’elle se moque de moi.


— Enfin, continua-t-elle lentement en relâchant la fumée qu’elle avait gardée dans ses poumons, moi non plus, quand j’avais onze ans, je ne me demandais pas pourquoi Oncle Mike était aussi présent dans notre vie.


Oncle Mike ? On s’en fichait, d’Oncle Mike ! Il était tellement ennuyeux… Il essayait sans succès de se montrer drôle auprès de mes amis et moi. Toujours à nous demander quelle musique on aimait, à chanter dans la voiture quand on revenait de la natation. Il me faisait honte.


Abby me fit signe de m’approcher, les lèvres pincées, mais je restai à ma place. Son expression et la distance inquiétante de son regard me donnaient le frisson – c’était comme si quelqu’un d’autre occupait son corps.


Quand on était petites, elle me traitait comme si j’étais sa poupée ; elle m’habillait et jouait avec moi, même jusqu’à mes cinq ou six ans, alors que je n’aimais déjà pas qu’on me donne des ordres sans cesse. J’acceptais parce que je voulais son attention par-dessus tout. Mais après son treizième anniversaire (la crise d’ado, avait lâché ma mère en levant les yeux au ciel), le temps qu’Abby passait avec moi chuta de façon exponentielle au cours des années, jusqu’à ce qu’elle finisse par m’ignorer presque complètement. Non qu’elle me prêtât vraiment attention auparavant ; mais au moins, malgré le peu de temps qu’elle me consacrait, elle se montrait toujours gentille, à me faire parfois un câlin ou à m’ébouriffer les cheveux. À encourager mon adoration pour elle.


Je jetai un coup d’œil nerveux à la pièce ; pour la première fois, je remarquai qu’elle avait enlevé tous ses posters, laissant les coins déchirés punaisés aux murs, qui paraissaient vides et froids. Pas étonnant que la chambre m’ait paru plus grande en entrant.


Mes yeux se posèrent sur Abby, et son regard s’adoucit légèrement. Elle me fit signe d’approcher à nouveau ; en voyant que je ne réagissais pas, elle se pencha vers l’extérieur pour écraser sa cigarette avant de la ramener vers elle et de la glisser précautionneusement dans un petit sac. Puis elle se leva en faisant glisser ses longues jambes sur l’encadrement de la fenêtre, et se dirigea vers le lit avant de se mettre à genoux sur le tapis rose. Ses mains tâtonnèrent en dessous et elle en sortit le sac de sport noir monogrammé que Maman lui avait acheté pour son tournoi de natation quand elle était en troisième. Il était plein à craquer. Elle glissa le petit sachet dans la poche extérieure.


Quand elle se retourna vers moi, ses yeux étaient sombres et brillants.


— Je sais que tu es trop jeune pour comprendre, Livvy, mais je m’en vais ce soir.


— Qu… Quoi ?


La confusion m’envahit. Je sentis la peur se resserrer comme un étau autour de ma poitrine. Je ne comprenais pas ce qui se passait.


— Je m’en vais. Pour de bon…


— Non !! m’exclamai-je, complètement paniquée.


Je me jetai vers elle, les bras tendus. Je savais, je savais, de manière inexplicable, que j’étais sur le point de la perdre. Peut-être pour toujours.


— Je ne m’en vais pas à cause de toi, Livvy.


J’enfouis mon visage dans le creux de son cou et j’inspirai profondément ; elle avait l’odeur de la jeunesse et celle de la bouteille de shampooing à l’ananas posée à l’envers sur le bord de notre baignoire.


— Je ne veux pas te quitter. Mais je ne peux pas te prendre avec moi, et il faut que je m’en aille.


Elle m’attrapa les bras, serra fort et me secoua.


— Il faut que je m’en aille.


Elle me repoussa avec une force qui me fit grimacer de douleur. Son visage était fermé.


— Je suis désolée. Mais je dois partir.


— Mais où tu vas ? Je ne comprends pas.


Elle me secoua encore.


Et encore.


Et encore.






***






— RÉVEILLE-TOI, ON est arrivés.


Une voix grave. Pas celle d’Abby.


J’ouvris les yeux brutalement, désorientée. En face de moi, un regard de lion me fixait.


Je me reculai et clignai des yeux. L’île devant moi était un mélange de vert et de gris, aussi primitive et isolée que je m’en souvenais. Elle m’était à la fois familière et inconnue.


— Désolée. Je suis vraiment fatiguée.


J’avais raté l’arrivée. J’avais raté les dauphins dans les marécages autour de l’Île de la Tortue. Mon moment préféré.


Pete le pirate enfilait une corde autour d’un taquet en métal sur le quai. Lorsqu’il eut terminé, il leva les yeux vers moi.


— T’es sûre que ça va ?


Je hochai la tête en resserrant mon manteau autour de moi. Le quai paraissait plus neuf que dans mes souvenirs.


— À qui tu vas rendre visite, déjà ?


Je ne l’avais pas dit, et il le savait. Si je disais le nom de ma grand-mère, il risquait de me poser trop de questions, sachant que la maison était probablement abandonnée depuis des années. Je ne savais pas à quel point Pete connaissait l’île et ce qui s’y passait.


— En fait, je vais juste visiter une maison. Elle appartient à ma famille. Merci de m’avoir emmenée.


— Je vais l’accompagner là-bas, Pete.


Je relevai la tête vers lui.


— OK. Tommy ira avec toi là où tu vas.


Tommy ? Ça ne lui allait pas, comme prénom. Pas du tout.


Pete continua :


— Si t’as besoin de revenir, appelle-moi. Je serai dans le coin en train de pêcher quasi tous les matins, cette semaine.


Il me tendit une carte encrassée ; ses doigts étaient tout aussi sales – il avait du noir sous les ongles.


Capitaine Pete White.


Je hochai la tête et glissai la carte dans mon sac, parfaitement consciente que ce n’était pas tant un geste cordial qu’une façon de chercher à apprendre ce qui m’amenait sur l’île. De petites vagues firent tanguer le bateau, et j’attrapai la main tendue de Pete pour débarquer sur le quai ferme.


— Merci.


Tommy débarqua à ma suite, mais je ne l’attendis pas. Je n’avais pas envie qu’il vienne avec moi au cottage, ni même qu’il sache où j’allais. Je marchai d’un pas vif.


Le quai où nous étions arrivés était du côté de New River, là où le rivage remontait vers le fleuve et s’éloignait de l’Atlantique. Techniquement, même s’il partageait le même nom, il était un peu éloigné du cap de Bloody Point ; mais on l’appelait comme ça parce que c’était l’endroit le plus proche où débarquer en bateau. À vol d’oiseau, la maison était à peine à plus de cinq cents mètres. Mais bien entendu, à cause de la végétation très dense et des marécages qui empiétaient sur l’île, le trajet à pied me prendrait plus de temps.


Le sol était recouvert d’épines de pin, et je pouvais voir à travers les palmiers ; il y avait un chemin de terre qui serpentait à travers les arbres, et je m’y dirigeai sans même m’arrêter pour observer ce qui se trouvait autour de moi, que je n’avais pas vu depuis des années. Le vent qui venait de l’Atlantique était glacial, et j’inspirai profondément, en espérant que la fraîcheur de l’air iodé parviendrait à me garder alerte et éveillée jusqu’à ce que j’arrive au cottage.


Après quelques minutes passées à marcher sur le chemin dégagé qui se faisait passer pour une route, j’entendis le ronronnement d’un petit moteur derrière moi et le craquement des épines écrasées sur le sol. Lorsque je me retournai, je vis mon compagnon de voyage au volant d’une voiturette de golf qui avait connu des jours meilleurs. Je me rappelai soudain que personne n’utilisait de véritables voitures ici. La plupart des habitants jugeaient probablement que ça ne valait pas la peine de les faire venir jusqu’à l’île par le ferry. Surtout si la plupart des routes ressemblaient à ce chemin de terre, comme c’était sans doute le cas.


Il freina devant moi en me coupant la route.


Je m’arrêtai aussitôt, certaine que mon irritation devait se lire sur mon visage.


— On va dans la même direction, dit-il en se penchant vers moi, un bras posé sur le volant. Autant que je t’emmène.


Je m’attendais à ce qu’il m’observe avec attention, mais au lieu de ça, il détourna le regard, apparemment mal à l’aise.


— Non merci, marmonnai-je.


Je m’écartai du chemin pour pouvoir reprendre ma route, en espérant de toutes mes forces que ce type n’était pas quelqu’un de mal intentionné.


— Comme tu veux, soupira-t-il. À tout à l’heure.


Qu’est-ce que ça voulait dire, ça ? À tout à l’heure ? Il reprit sa route, et la voiturette s’éloigna en bringuebalant.


Je continuai mon chemin à travers les arbres dans un silence inquiétant, sauf lorsque j’entendis le claquement d’une balle de golf qu’on frappait, accompagné de voix basses, et je me rendis compte que j’étais en train de longer l’un des terrains du Club de Golf de Bloody Point. La dernière fois que j’étais venue, il était abandonné et en très mauvais état. Abby m’avait appris à faire du vélo près du trou n°14 ; l’herbe y était clairsemée et brune par endroits.


Mais lorsque je passai le coin, le bâtiment entièrement restauré du club de golf apparut à ma droite, peint en blanc, avec son porche très chic et son toit rouge sombre. Il ne semblait pas y avoir beaucoup d’activité (ce qui n’était pas surprenant, car l’île ne comptait que peu d’habitants et on était en plein hiver), mais de toute évidence, il était opérationnel. Peut-être que je pourrais dès le lendemain essayer de voir s’ils embauchaient des gens. Mon humeur s’éclaircit légèrement à cette idée ; c’était mon premier grain d’espoir.


Après m’être enfoncée dans l’île, puis avoir tourné sur la droite vers un autre chemin de terre, où la végétation environnante était si dense que le ciel n’était que partiellement visible, j’arrivai finalement au tournant qui menait à notre allée. J’éprouvai un soulagement intense à l’idée que rien n’avait changé sur cette partie de Daufuskie. Ça voulait dire que je pourrais vivre dans une paix relative, dans le cottage de ma grand-mère, qui était probablement recouvert de verdure et où personne ne viendrait me déranger.


À mesure que je m’approchais, je parvenais presque à distinguer la maison à travers les arbres. M’obligeant à faire taire mon excitation et mon soulagement, je pris une profonde respiration et je m’engageai dans l’allée… D’accord, "allée" était un terme peut-être un peu exagéré. Il y avait un interstice dans la végétation et le cottage était blotti au milieu d’une clairière, accolé sur un côté à un chêne massif qui était probablement là depuis des centaines d’années. Je me rappelais que Mamie disait qu’il avait peut-être même mille ans. Plein de feuilles, de mousse espagnole, couvert de plantes grimpantes, ses branches s’étendaient majestueusement avant de retomber vers le sol puis de repartir en l’air, comme si elles se demandaient s’il valait mieux pousser vers le bas ou tenter d’atteindre le ciel.


Le cottage, qui n’était composé que de deux chambres, était plus petit et plus vieux que dans mon souvenir, mais en cet instant précis, je n’avais jamais rien vu d’aussi merveilleux que lui. Il n’était même pas particulièrement envahi de verdure comme je l’avais cru. Ce serait mon havre de paix. Un endroit où panser mes plaies.


La peinture blanche ne méritait plus tellement son nom de peinture, mais de ce que j’en voyais, le toit avait l’air solide. Il dépassait par-dessus le porche de l’entrée. Il manquait deux barreaux à la balustrade sur la gauche et les escaliers penchaient un peu, mais…


Une minute.


Mon regard balaya la scène de gauche à droite. Il y avait de la peinture fraîche de l’autre côté. Et des barreaux neufs à certains endroits.


Non !


Lorsque je me tournai vers la gauche, mon cerveau confirma ce qu’il avait déjà aperçu à la périphérie de mon champ de vision. Une voiturette de golf. La même que tout à l’heure, si je ne me trompais pas. La porte-moustiquaire s’ouvrit et l’homme en sortit. Le battant claqua derrière lui.


— Qu… Qu’est-ce que vous faites là ?


Je déglutis. C’était forcément une erreur. Mes parents n’avaient pas pu vendre cette maison. C’était impossible ! Elle était à moi ! Ma gorge se referma sous le coup de l’angoisse et de l’épuisement. Mes yeux picotaient.


— Je vis ici, dit-il d’un ton nonchalant (je n’arrivais même pas à discerner son expression sous sa barbe fournie).


C’était un cauchemar. Je serrai les genoux et j’agrippai fermement les lanières de mon sac pour m’empêcher de trembler.


Puis la colère me submergea. Une colère terrifiante. Le cottage était à moi. À moi ! À moi ! Et j’étais tellement fatiguée…


— Vous êtes qui ?! crachai-je, parce qu’il me semblait que c’était tout ce que je pouvais faire pour repousser le sentiment indescriptible d’impuissance qui menaçait de m’envahir.


Mon Dieu. Je n’avais nulle part où aller. Je n’avais rien du tout.


— Tu dois être Olivia, dit-il d’une voix bourrue et étrangement inexpressive. Je me demandais quand est-ce que tu arriverais.
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