Chapitre Huit - Des Etoiles Dans la Mer
JE NE SAIS pas combien de temps je restai assis dans l’herbe, dans ce froid mordant, avec le bois oublié à côté, mais quand j’ouvris les yeux, Olivia était devant moi.
Elle avait mis un jean et s’était enveloppée dans un gros pull gris, et elle était à genoux devant moi dans l’herbe. Elle me tendait ma chemise puante.
Ses yeux bleu pâle étaient pleins de questions, mais je n’y lus pas ce que je m’attendais à trouver. Sachant qu’elle avait assisté à ma crise, je me serais attendu à y voir de la pitié, ou même de l’embarras, mais il n’y avait que de la curiosité.
— Tu vas être malade, dit-elle d’une voix étrangement rauque. Remets ça.
Je hochai la tête et enfilai le vêtement.
Elle jeta un regard à la poubelle, sur le côté de la maison.
— Tu es alcoolique ?
Je me détendis légèrement et lâchai un petit rire. Ça faisait bizarre, après tous ces sanglots. Elle ne comptait pas me demander à quoi rimaient ces vingt dernières minutes, elle voulait me demander si j’étais alcoolique ?
— Non. Je les garde là pour me rappeler que ce n’est pas une option.
— Alors tu étais alcoolique ?
— Non. Quand tu deviens alcoolique, tu l’es pour toujours, même quand tu es sobre. J’ai essayé de le devenir, crois-moi. Mais ça n’a jamais marché. Je pourrais, si je voulais, note. Mais je ne veux pas aller jusque-là.
— Pourquoi ?
— Parce que j’ai passé tellement de temps à essayer d’oublier ce que je voulais oublier que j’ai fini par avoir peur de ne plus jamais être capable de me souvenir.
Je la vis froncer les sourcils tandis qu’elle réfléchissait à mes mots.
— Je voudrais… Je voudrais pouvoir tout oublier, murmura-t-elle. Tous les jours, c’est tout ce que je souhaite. La seule chose que je veux me rappeler, c’est Abby, mais les souvenirs d’Abby sont liés à tout le reste.
Tout le reste.
Les mots hurlèrent dans ma tête.
Ses yeux finirent par tomber sur la balançoire qui pendait de la branche du vieux chêne. Une bourrasque de vent plaqua quelques mèches de cheveux noirs sur son visage, comme un fouet maléfique. Elle était si belle. Ou elle le serait, un jour.
Ma question, la question, brûlait ma gorge comme de l’acide. Je m’obligeai à la ravaler pour l’enfouir au plus profond de ma culpabilité.
— Tu buvais, tout à l’heure, dit-elle.
— Ouais.
— C’est l’anniversaire de sa mort, aujourd’hui.
Je tentai de maîtriser mon expression et me contentai de hocher la tête.
— C’est aussi mon anniversaire.
Merde. Tu parles d’un souvenir, pour un anniversaire. C’était de ma faute, ça aussi.
Elle tourna à nouveau son regard vers moi, un sourcil haussé.
— Tu m’as traitée de pute le jour de mon anniversaire.
C’est toi qui m’as dit que tu en étais une.
— Joyeux anniversaire. Dix-huit ans ?
— Ouais. Et ça ne s’appelle pas être une pute si tu sors avec eux.
— C’est discutable. Tu m’as l’air plus intelligente que ça.
Elle soupira.
— Écoute, je ne m’attends pas à ce que tu comprennes. En fait, je préférerais que tu gardes tes sermons pour toi, mais juste pour mettre les choses au clair, je ne "sors" jamais avec quelqu’un qui ne m’attire pas.
— Sermon ? pouffai-je. Je n’aurais jamais cru être du genre à sermonner quelqu’un, mais tu as raison. Bizarrement, j’ai envie de te protéger, parce que tu es la petite sœur d’Abby.
Olivia cligna des yeux, puis détourna le regard.
— Tu trouves Tyler Graham attirant ? demandai-je.
— Il a une aura de bad boy, dit-elle en haussant les épaules. Ça m’étonnerait que je sois la première à trouver ça canon.
— Ça, c’est clair, dis-je avec un rire forcé.
Je la vis tressaillir et accuser le coup.
— Au moins, tu t’en rends compte, continuai-je.
— Pourquoi tu te sens tout le temps obligé de te comporter comme un connard ?
— Tu te fous de moi ?
— Non. Tu fais comme si t’en avais quelque chose à faire, ou même, tu penses que t’en as quelque chose à faire, à cause d’Abby, ou je sais pas quoi, mais tu veux que je te dise ? Tu ne sais rien de moi, de ce que j’ai vécu, de ce à quoi ma vie ressemblait. De tout ce qui m’est arrivé.
— Je sais que tu as fugué. Pourquoi, ça, j’en sais rien.
Ou du moins, j’espérais me tromper.
— Ce que je sais, c’est que j’aimerais t’aider. Je ne sais pas comment, mais je le ferai si je peux.
Même moi, je fus surpris par la sincérité de ma voix. Je ne savais pas pourquoi j’avais proposé ça, mais j’en pensais chaque mot.
— J’en ai vraiment quelque chose à faire, que tu le croies ou non, ajoutai-je.
Si je pouvais trouver une façon de me racheter pour avoir abandonné Olivia (Livvy), je le ferais.
Elle lâcha un petit rire moqueur et détourna le regard.
— Je suis sérieux, Olivia. J’ai bien conscience que tu ne me connais pas et que tu n’as aucune raison de me faire confiance…
— Alors pour toi, je suis comme un objet brisé qui a besoin d’être réparé. Peut-être que tu t’imagines que ça te rapprochera un peu d’Abby. Tu te trompes. La vérité, c’est que tu es tout seul sur ton île, que tu t’ennuies, et que tu as besoin d’un but.
Elle se releva, le regard dur et froid.
— Eh bien, désolée, mais sans moi.
— Tu as raison. C’est vrai que j’ai besoin d’un but.
Je me relevai aussi, prenant la hache avec moi avant de la planter dans la souche.
— J’ai besoin d’avoir quelque chose à faire, mais pas pour ramener Abby, ni même pour essayer de te sauver. J’en ai besoin pour essayer de me sauver moi.
Elle avait mis un jean et s’était enveloppée dans un gros pull gris, et elle était à genoux devant moi dans l’herbe. Elle me tendait ma chemise puante.
Ses yeux bleu pâle étaient pleins de questions, mais je n’y lus pas ce que je m’attendais à trouver. Sachant qu’elle avait assisté à ma crise, je me serais attendu à y voir de la pitié, ou même de l’embarras, mais il n’y avait que de la curiosité.
— Tu vas être malade, dit-elle d’une voix étrangement rauque. Remets ça.
Je hochai la tête et enfilai le vêtement.
Elle jeta un regard à la poubelle, sur le côté de la maison.
— Tu es alcoolique ?
Je me détendis légèrement et lâchai un petit rire. Ça faisait bizarre, après tous ces sanglots. Elle ne comptait pas me demander à quoi rimaient ces vingt dernières minutes, elle voulait me demander si j’étais alcoolique ?
— Non. Je les garde là pour me rappeler que ce n’est pas une option.
— Alors tu étais alcoolique ?
— Non. Quand tu deviens alcoolique, tu l’es pour toujours, même quand tu es sobre. J’ai essayé de le devenir, crois-moi. Mais ça n’a jamais marché. Je pourrais, si je voulais, note. Mais je ne veux pas aller jusque-là.
— Pourquoi ?
— Parce que j’ai passé tellement de temps à essayer d’oublier ce que je voulais oublier que j’ai fini par avoir peur de ne plus jamais être capable de me souvenir.
Je la vis froncer les sourcils tandis qu’elle réfléchissait à mes mots.
— Je voudrais… Je voudrais pouvoir tout oublier, murmura-t-elle. Tous les jours, c’est tout ce que je souhaite. La seule chose que je veux me rappeler, c’est Abby, mais les souvenirs d’Abby sont liés à tout le reste.
Tout le reste.
Les mots hurlèrent dans ma tête.
Ses yeux finirent par tomber sur la balançoire qui pendait de la branche du vieux chêne. Une bourrasque de vent plaqua quelques mèches de cheveux noirs sur son visage, comme un fouet maléfique. Elle était si belle. Ou elle le serait, un jour.
Ma question, la question, brûlait ma gorge comme de l’acide. Je m’obligeai à la ravaler pour l’enfouir au plus profond de ma culpabilité.
— Tu buvais, tout à l’heure, dit-elle.
— Ouais.
— C’est l’anniversaire de sa mort, aujourd’hui.
Je tentai de maîtriser mon expression et me contentai de hocher la tête.
— C’est aussi mon anniversaire.
Merde. Tu parles d’un souvenir, pour un anniversaire. C’était de ma faute, ça aussi.
Elle tourna à nouveau son regard vers moi, un sourcil haussé.
— Tu m’as traitée de pute le jour de mon anniversaire.
C’est toi qui m’as dit que tu en étais une.
— Joyeux anniversaire. Dix-huit ans ?
— Ouais. Et ça ne s’appelle pas être une pute si tu sors avec eux.
— C’est discutable. Tu m’as l’air plus intelligente que ça.
Elle soupira.
— Écoute, je ne m’attends pas à ce que tu comprennes. En fait, je préférerais que tu gardes tes sermons pour toi, mais juste pour mettre les choses au clair, je ne "sors" jamais avec quelqu’un qui ne m’attire pas.
— Sermon ? pouffai-je. Je n’aurais jamais cru être du genre à sermonner quelqu’un, mais tu as raison. Bizarrement, j’ai envie de te protéger, parce que tu es la petite sœur d’Abby.
Olivia cligna des yeux, puis détourna le regard.
— Tu trouves Tyler Graham attirant ? demandai-je.
— Il a une aura de bad boy, dit-elle en haussant les épaules. Ça m’étonnerait que je sois la première à trouver ça canon.
— Ça, c’est clair, dis-je avec un rire forcé.
Je la vis tressaillir et accuser le coup.
— Au moins, tu t’en rends compte, continuai-je.
— Pourquoi tu te sens tout le temps obligé de te comporter comme un connard ?
— Tu te fous de moi ?
— Non. Tu fais comme si t’en avais quelque chose à faire, ou même, tu penses que t’en as quelque chose à faire, à cause d’Abby, ou je sais pas quoi, mais tu veux que je te dise ? Tu ne sais rien de moi, de ce que j’ai vécu, de ce à quoi ma vie ressemblait. De tout ce qui m’est arrivé.
— Je sais que tu as fugué. Pourquoi, ça, j’en sais rien.
Ou du moins, j’espérais me tromper.
— Ce que je sais, c’est que j’aimerais t’aider. Je ne sais pas comment, mais je le ferai si je peux.
Même moi, je fus surpris par la sincérité de ma voix. Je ne savais pas pourquoi j’avais proposé ça, mais j’en pensais chaque mot.
— J’en ai vraiment quelque chose à faire, que tu le croies ou non, ajoutai-je.
Si je pouvais trouver une façon de me racheter pour avoir abandonné Olivia (Livvy), je le ferais.
Elle lâcha un petit rire moqueur et détourna le regard.
— Je suis sérieux, Olivia. J’ai bien conscience que tu ne me connais pas et que tu n’as aucune raison de me faire confiance…
— Alors pour toi, je suis comme un objet brisé qui a besoin d’être réparé. Peut-être que tu t’imagines que ça te rapprochera un peu d’Abby. Tu te trompes. La vérité, c’est que tu es tout seul sur ton île, que tu t’ennuies, et que tu as besoin d’un but.
Elle se releva, le regard dur et froid.
— Eh bien, désolée, mais sans moi.
— Tu as raison. C’est vrai que j’ai besoin d’un but.
Je me relevai aussi, prenant la hache avec moi avant de la planter dans la souche.
— J’ai besoin d’avoir quelque chose à faire, mais pas pour ramener Abby, ni même pour essayer de te sauver. J’en ai besoin pour essayer de me sauver moi.